Nous, soussignés, exigeons de nos gouvernements des politiques qui traitent les produits pharmaceutiques comme des biens publics mondiaux et limitent le pouvoir des entreprises pharmaceutiques dans l'intérêt du public; une politique axée sur les besoins de la population en matière de santé.
Les brevets tuent
Pour la suppression de la protection par brevets de tous les médicaments essentiels
Initié par la campagne pharmaceutique de BUKO et medico international (Allemagne), Outras Palavras (Brésil), People's Health Movement et Society for International Development
Le monde est devenu un patient. La maladie s'appelle Covid-19 et nous a fait prendre conscience de l’inéluctable interconnexion de la planète. La guérison est uniquement possible à l'échelle mondiale, ou pas du tout - c'est bien là l'une des principales leçons que la pandémie nous enseigne et à laquelle personne ne peut échapper. Dans l'intérêt de l'humanité, la recherche d’un vaccin et de médicaments pouvant être produits et distribués en fonction des besoins doit être entreprise à l’échelle mondiale, dans un esprit de coopération, de solidarité et dans le cadre d‘institutions politiques mondiales.
Hélas, ce n'est pas le cas. Car l'histoire de chaque épidémie est aussi celle de l’interaction entre savoir, pouvoir et politique. Ainsi, certains gouvernements minimisent le risque inhérent au virus, mettant en danger des milliers de vies. D'autres essaient de s’assurer l’accès exclusif à des masques, du matériel de diagnostic ou des vaccins en cours de développement. L'industrie pharmaceutique fait passer ses intérêts économiques en premier. Dans le même temps, les acteurs philanthro-capitalistes étendent leur influence - au détriment des principes et normes démocratiques. À ce stade, face à la pandémie, nous sommes loin de pouvoir parler d’une solidarité globale.
Pour véritablement réussir à endiguer la pandémie du Covid-19, les gouvernements du monde entier doivent créer les conditions cadres qui d’une part, permettront à la recherche d'être transparente ; d’autre part, veilleront à ce que la connaissance médicale et ses produits finaux soient considérés comme un bien commun de l'humanité. Ce préalable est indispensable à la mise au point, avec la diligence requise, de traitements et d’un vaccin contre le Covid-19, à leur production à grande échelle et à leur distribution équitable.
Or, la sphère politique maintient les pratiques habituelles. Même les gouvernements qui promettent de protéger la santé contre l’appât du gain refusent de prendre dans le viseur et d'éliminer l'un des plus grands obstacles mondiaux à la fourniture de médicaments vitaux aux populations : Le système mondial des brevets et ses liens d‘interdépendance toujours plus grands.
Le système des brevets a axé la production de connaissances dans le domaine médical sur la maximisation des profits et des gains en capital plutôt que sur la recherche et le développement de médicaments vitaux et leur distribution équitable.
Cette injustice mondiale va au-delà de la pandémie du Covid 19. Elle est particulièrement visible là où des êtres humains n'ont pas les moyens de se procurer les médicaments essentiels. La force mortelle de ce système frappe tout le monde, à fortiori ceux marginalisés par leurs origines et leurs revenus. Les zones d'exclusion vont des camps de réfugiés aux bidonvilles urbains de n’importe quel pays du monde et couvre même des pays entiers.
Chaque année, des millions de personnes meurent en dépit des avancées rapides de la médecine et de la disponibilité de médicaments pour soigner ou traiter des maladies telles que la tuberculose, le diabète ou le paludisme. Selon l'OMS, à l’échelle mondiale, un tiers des patients* n'ont pas accès à des médicaments pourtant indispensables en raison de prix prohibitifs et d’autres obstacles structurels.
Seule une fraction de la recherche médicale se penche sur des problèmes de santé touchant certes des millions de personnes marginalisées dans le monde, mais que les entreprises pharmaceutiques ne considèrent pas comme étant un marché attractif. L'industrie pharmaceutique recherche et développe essentiellement des médicaments prometteurs en termes de profit qu’elle destine à des marchés lucratifs. Bien qu'elle soit déjà l'une des industries les plus rentables au monde, elle continue à vouloir multiplier ses gains.
Ce faisant, elle ne répond pas aux besoins de santé mondiaux. De plus, le système des brevets garantit que même les médicaments dont le développement est financé par des fonds publics sont maintenus à des prix élevés. Il s’agit là d‘une forme grave de privatisation. Elle dissimule également le fait que le financement public de la recherche et du développement serait plus favorable d'un point de vue économique que son refinancement par des brevets et des prix élevés.
Les changements sélectifs apportés à ce système, tels que les réductions de prix des médicaments contre le VIH, qui ont permis de sauver des vies, ne sont le résultat que d'années de protestation publique internationale et ont donc dû être imposés par les sociétés civiles et les pays particulièrement touchés par l'épidémie. Par ailleurs, le système des brevets lui-même crée des obstacles au progrès de la recherche en en brevetant les méthodes et les instruments. Le dépassement de ces structures injustes permet d’anticiper un avenir où les services d'intérêt général seront libérés du principe du marché et du profit et où le droit humain à la santé en tant que bien public sera placé au centre de l'action des politiques de santé.
Aujourd‘hui, la dynamique est au rendez-vous pour imposer ce changement politique fondamental.
Parce que la pandémie de Covid 19 montre au monde entier que la politique de santé est une tâche globale. Elle doit être menée par les gouvernements avec un sens des responsabilités et guidée par un principe des droits de l'homme et rien d'autre !
Nous, soussigné(e)s, exigeons donc de nos gouvernements une politique orientée vers les besoins de santé de la population. Une politique qui considère les médicaments comme biens publics mondiaux. Qui limite le pouvoir des entreprises pharmaceutiques dans l'intérêt du tous. À cette fin, il est primordial de dissocier les coûts de la recherche du prix des médicaments. L’objectif étant de créer de nouveaux mécanismes d'incitation propices à l'innovation et qui la rendent accessible.
Les propositions en ce sens sont sur la table depuis des années. Le cadre de ce changement fondamental de politique serait l'introduction immédiate d'un traité international à négocier par l'Organisation Mondiale de la Santé, dans lequel les gouvernements s'engageraient à mener une recherche et un développement obligatoires et coordonnés de nouveaux médicaments, diagnostics et vaccins essentiels.
Ce changement de cap fondamental devant encore être réalisé sur le plan politique, il est crucial de prendre immédiatement les mesures suivantes :
- La création d'une communauté mondiale de brevets pour le traitement simple et rentable des accords de licence, établie auprès de l'OMS.
- L'amélioration des données et de la transparence des prix dans les domaines de la recherche, du développement et des ventes afin de rendre les connaissances largement disponibles et les prix, équitables.
- Un système de licence socialement responsable pour tous les projets de recherche et de développement médicaux financés par les pouvoirs publics.
- La promotion de la production pharmaceutique locale et publique en aidant les pays du Sud à se doter de leurs propres capacités de production, par exemple par le transfert de technologie, le financement de démarrage et la création de systèmes régionaux efficaces de distribution de médicaments et de produits médicaux.
Signataires initiaux
Particuliers
Barbara Unmüßig, Member of Executive Board, Heinrich-Böll-Stiftung, Germany
Ben Rivers, Artist and filmmaker, Great Britain
Dagmar Enkelmann, Chairwoman Rosa-Luxemburg Foundation, Germany
Dr. Alexandre Padilha, member of parliament, Health Minister 2011-2014, Brazil
Dr. Ana Paula Soter, State Secretary in the Ministry of Health 2011-2015, Brazil
Dr. Daniel Henrys, General Coordinator Service Oecuménique d'Entraide (SOE), Haiti
Dr. Fausto Pereira dos Santos, Director Agência Nacional de Saúde, 2003-2006 and 2007-2010, Brazil
Dr. Hans-Jürgen Urban, Managing Member of the Executive Board of IG Metall, Germany
Dr. Humberto Costa, Senator, Health Minister 2003-2005, Brazil
Dr. med. Bernd Hontschik, Surgeon and publicist, Germany
Dr. Mustafa Barghouti, President Palestinian Medical Relief Society (PMRS), Palestine
Eliane Cruz, National Coordinator Health, Partido dos Trabalhadores (PT), Brazil
Ilija Trojanow, writer, Germany
Issam Younis, Director Al Mezan Center for Human Rights, Commissioner General of the Palestinian Independent Commission for Human Rights, Head of Arab Network for National Human Rights Institutions (ANNHRI), Palestine
Jean Ziegler, publicist, Switzerland
Jens Martens, Managing Director Global Policy Forum, Germany
Kamel Mohanna, President Amel Association International, Lebanon
Kapila Gureja, Health Rights Supporter, India
Katrin Hartmann, journalist, Germany
Lian Gogali, Director Institut Mosintuwu, Indonesia
Milo Rau, director, Switzerland
Monsignore Pirmin Spiegel, Managing Director and Chairman of the Board of the Bischöfliches Hilfswerk MISEREOR, Germany
Pfarrerin Cornelia Füllkrug-Weitzel, president Brot für die Welt, Germany
Prof. Dr. Albrecht Jahn, Institute of Global Health, University of Heidelberg, Germany
Prof. Dr. Alexis Benos, Aristotle University of Thessaloniki, Greece
Prof. Dr. Arthur Chioro, Universidade Federal de São Paulo (Unifesp), Health Minister 2014-2015, Brazil
Prof. Dr. Holger Horz, Pedagogical Psychology, Goethe-Universität Frankfurt, Germany
Prof. Dr. Kayvan Bozorgmehr, Population medicine and health services research, University of Bielefeld, Germany
Prof. Dr. Lumena Furtado, Universidade Federal de São Paulo (Unifesp), Brazil
Prof. Dr. med. Ansgar Gerhardus, First Chairman German Society for Public Health, Germany
Prof. Dr. med. Oliver Razum, Dean of the Faculty of Health Sciences, Universität Bielefeld, Germany
Prof. Dr. med. Walter Bruchhausen, Institute for Hygiene and Public Health, Universität Bonn, Germany
Prof. Dr. Michael Krawinkel, Universität Giessen, Germany
Prof. Dr. Sabine Hark, Center for Interdisciplinary Women's and Gender Studies (ZIFG), Technische Universität Berlin, Germany
Prof. Dr. Stephan Lessenich, Institute of Sociology, Ludwig-Maximilians-Universität München, Germany
Prof. Dr. Uli Brandt, International Politics, Universität Wien, Austria
Prof. Rita Giacaman, Research and Program Coordinator, Institute of Community and Public Health, Birzeit, West Bank, Palestine
Ran Goldstein, Managing Director Physicians for Human Rights–Israel
Rolf Rosenbrock, Chairman Deutscher Paritätischer Wohlfahrtsverband, Germany
Ruchama Marton, Founder Physicians for Human Rights–Israel
Rosalinda C. Tablang, Director Samahang Operasyong Sagip (SOS), Philippines
Sonny Africa, Director IBON Foundation, Philippines
Vittorio Agnoletto, MD, Università degli Studi di Milano, Italy
Wolfgang Lemb, Managing Member of the Executive Board of IG Metall, Germany
Organisations
Afghan Human Rights and Democracy Organisation (AHRDO), Afghanistan
Asociación Coordinadora Comunitaria de Servicios para la Salud (ACCSS), Guatemala
Asociación de Promotores Comunales Salvadoreños (APROCSAL), El Salvador
Associação Brasileira de Saúde Coletiva (Abrasco), Brazil
Associação Brasileira Interdisciplinar de AIDS (ABIA), Brazil
Attac Deutschland, Germany
Centre for Research and Education in Public Health, Health Policy and Primary Health Care, Greece
Community Working Group on Health (CWGH), Zimbabwe
Conselho Nacional de Saúde (CNS), Brazil
Dawar for Arts and Development, Egypt
Edhi Foundation, Pakistan
El Nadim Center against violence and torture, Egypt
Equipo de Estudios Comunitarios y Acción Psicosocial (ECAP), Guatemala
Foro Nacional de Salud (FNS), El Salvador
Gauteng Community Health Care Forum, South Africa
Gesellschaft für Tropenpädiatrie & Internationale Kindergesundheit (GTP) e.V., Germany
Gonoshathya Kendra (GK), Bangladesh
Grupo de Trabalho em Propriedade Intelectual, Brazil
HAUKARI – Association for International Cooperation e.V., Germany
Health Action International (HAI)
Health and Nutrition Development Society (HANDS), Pakistan
Health GAP International
Home Based Women Workers Federation (HBWWF), Pakistan
IDEP Foundation, Indonesia
IFARMA Foundation, Colombia
Kamukunji Paralegal Trust (KAPLET), Kenya
Khanya College, South Africa
Kurdish Red Crescent, North East Syria
Medicina Democratica, Movimento di lotta per la salute, Italy
MISEREOR – the German Catholic Bishops’ Organisation for Development Cooperation
Movimento dos Sem Terra (MST), Brazil
Movimento dos Trabalhadores Sem Teto (MTST), Brazil
National Garment Workers Federation (NGWF), Bangladesh
National Trade Union Federation (NTUF), Pakistan
Network Movement for Justice and Development (NMJD), Sierra Leone
Nomadic Assistance for Peace and Development (NAPAD), Somalia
Ecology Association "Ekoloji Derneği", South East Turkey
People's Health Movement (PHM), Kenya
Physicians for Human Rights–Israel
Popol Na, Nicaragua
Salud por Derecho, Spain
Sinani, South Africa
SODECA, Kenya
Verein Demokratischer Ärztinnen und Ärzte (VDÄÄ), Germany
Verein demokratischer Pharmazeutinnen und Pharmazeuten, Germany
Viva Salud, Belgium
World Vision Deutschland e.V., Germany